Attention, un cancer, même s’il ne s’est plus manifesté depuis… trente ans peut vous poursuivre toute votre vie. Et non sans conséquences. C’est la mésaventure qui est arrivée à cette Vaudoise aujourd’hui âgée d’une cinquantaine d’années. Appelons-la Adeline*, car elle souhaite conserver l’anonymat pour ne pas nuire à la contestation qu’elle a opposée à une décision de sa caisse de pension, qu’elle juge «injuste, inique et illégale».
A la toute fin des années 80, elle n’a que 14 ans, elle déclare un cancer, plus précisément un ganglioneuroblastome, une tumeur rare et maligne. Rapidement soignée aussi bien par chirurgie que par chimiothérapie, la tumeur disparait et n’a plus jamais fait parler d’elle depuis. En cancérologie, on ne parle pas de guérison mais bel et bien de rémission, même si elle dure depuis plus de trente ans.
Résiliente et combative malgré les aléas de la vie
«Guérie» donc, Adeline* mène ensuite une vie ordinaire de jeune femme, suit des études, fonde une famille et travaille normalement, comme tout le monde. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles? Pas tout à fait. Autre aléa de la vie, elle est licenciée il y a trois ans. Mais résiliente et combative comme toujours, elle retrouve un nouveau job, après deux ans de chômage. Un graal quand on est âgé de plus de 50 ans, mais qui est entaché d’une mauvaise nouvelle. En transmettant son capital de deuxième pilier depuis son compte de libre passage, elle apprend, après avoir rempli un questionnaire médical, que sa nouvelle caisse de pension émet une réserve sur son cas. «Cette réserve est honteuse, s’insurge-t-elle, une sorte de double peine car en plus du cancer, on subit une discrimination que la loi réprouve, du reste. La caisse n’a pas le droit de faire cela.»
Uniquement la partie surobligatoire…
Concrètement en effet, la loi fédérale prévoit que les institutions de prévoyance peuvent émettre des réserves pour raisons de santé en relation avec les risques d'invalidité et de décès. Mais la mise en œuvre de celle-ci implique de nombreux garde-fous. D’abord, «une caisse de pension peut émettre une réserve, au moment de l’affiliation d’une personne salariée et en cas de problèmes de santé d’une personne salariée indiqués dans un questionnaire médical, uniquement pour la partie dite "surobligatoire"», explique Yves Hochuli juriste et directeur adjoint de la ligue vaudoise contre le cancer. Concrètement, la réserve ne s’applique donc pas à la part de prestation correspondant au minimum légal prévu par la LPP, mais dans les cas de prévoyance étendue, qui eux relèvent de l’assurance privée.
Pour Adeline*, cela implique que si elle venait à devenir invalide ou décéder de son cancer dans les cinq ans, les prestations d'invalidité, de survivants ou d'enfants de la caisse de pension seront réduites de manière permanente aux prestations minimales, mais pas supprimées. Sauf qu’Adeline n’entend pas laisser à ses éventuels «héritiers», une LPP réduite.
Appel à la justice
Selon un avis qu’elle a sollicité auprès de l’Office fédéral de la santé publique à Berne, «pour les réserves existantes, le temps écoulé d'une réserve auprès de l'ancienne institution de prévoyance doit être imputé sur la nouvelle durée de la réserve. Après un changement, une nouvelle institution de prévoyance sait pour quelles affections elle ne peut pas émettre de réserve comme la réserve déjà échue, pour quelles affections elle peut émettre une réserve pour le temps qui court encore et pour quelles affections elle peut émettre une nouvelle réserve dont la durée est fixée par son règlement.» Résultat: Adeline* entend bel et bien faire appel aux tribunaux: la première réserve émise à son encontre étant échue depuis au moins deux décennies, sa nouvelle caisse de pension ne peut donc plus s’en prévaloir.
*prénom fictif, identité connue de la rédaction