Les entreprises lausannoises résistent 
aux incertitudes mondiales

ÉCONOMIE • La dernière étude conjoncturelle, publiée ce mardi par la Chambre vaudoise du commerce et de l’industrie (CVCI), révèle que les affaires vont plutôt bien pour une grande partie des entreprises lausannoises. Une bonne nouvelle que nous détaille Patrick Zurn, responsable économique au sein de la CVCI.

  • Patrick Zurn, responsable économique au sein de la CVCI.

«En 2024, les bénéfices devraient repartir à la hausse»

Lausanne Cités: Selon le dernier baromètre publié par la CVCI, la plupart des entreprises lausannoises s’attendent à une année 2024 plutôt bonne, elles sont 82% à envisager un bénéfice identique ou supérieur cette année par rapport à 2023. Ce résultat vous-a-t-il surpris?
Patrick Zurn: Oui et non. Les entreprises le disent, cette année sera certainement dans la continuité de 2023, avec même parfois une légère hausse de l’activité. C’est surtout vrai pour le secteur industriel qui a connu une période difficile à cause de la hausse des coûts de l’énergie due à la guerre en Ukraine, à la force du franc et au ralentissement économique dans la zone euro, son principal débouché. En 2024, les bénéfices devraient repartir à la hausse, ceci s’explique surtout par la réduction de l’inflation qui est repassée sous la barre des 2% et par la dépréciation du franc suisse ces derniers mois. C’est donc une bonne nouvelle.

Le miracle vaudois avec une économie qui résiste à tout est donc toujours d’actualité?
Oui, la résilience est toujours là. On constate un dynamisme important, un taux de chômage très  bas et une forte demande de main d’œuvre. Sans oublier une immigration toujours soutenue avec une croissance démographique supérieure à 1% depuis plusieurs années, ce qui stimule inévitablement l’économie vaudoise car les nouveaux arrivants consomment et ont besoin de services. Mais tout ceci n’est jamais acquis…

Oui car l’heure est plutôt à la réduction de personnel, cela se traduit par des fermetures d’usine, l’exemple le plus récent est celui de Vetropack à Saint-Prex, et des plans de licenciement, vous êtes inquiet?
Ces annonces malheureuses, comme celle de Vetropack avec 180 emplois biffés, sont très spectaculaires, mais en parallèle beaucoup d’entreprises engagent et on en entend très peu parler. En dix ans, les pôles d’innovation comme Y-Parc, l’EPFL Innovation Park ou le Biopôle, ont créé énormément d’emplois dans notre Canton, pour ne citer que ces exemples.  

Votre étude conjoncturelle révèle aussi une relative stabilisation des investissements réalisés par les entreprises, tout le monde se regarde en chien de faïence en attendant de voir comment la situation géopolitique mondiale va évoluer?
Vous mettez le doigt sur l’un des points rouges de cette étude. La pression sur les marges et les incertitudes mondiales pèsent inévitablement sur les investissements des entreprises vaudoises et plus spécifiquement lausannoises. Il faut y être attentif car cela représente un risque relativement important pour la capacité d’innovation et la compétitivité de notre région.  

D’autant qu’il faut anticiper l’avènement de l’intelligence artificielle…
Exactement. Aujourd’hui cependant, l’intelligence artificielle n’a pas encore un impact majeur sur l’économie vaudoise. Elle ne remplace pas encore beaucoup d’emplois, mais elle en crée déjà de nouveaux. Comme des fonctions d’experts en analyse par exemple.

L’enjeu de demain sera quand même de trouver un job aux employés peu qualifiés, non?
Oui, l’accent devra être mis sur la formation continue. Ce que beaucoup d’entreprises font déjà, mais cet effort devra être intensifié ces prochaines années. D’autant que l’IA impactera également des emplois qualifiés, notamment dans les fiduciaires, les agences de traduction ou les cabinets d’audit.

Certains jobs seront-ils épargnés?
C’est toujours difficile à dire, mais aujourd’hui dans beaucoup de métiers, la technologie vient en complément, en soutien, mais ne remplace pas directement les employés. A titre d’exemple, on imagine mal des robots remplacer des employés de la construction, des cuisiniers, des coiffeurs ou du personnel de nettoyage.

Les entreprises lausannoises peinent toujours à recruter, c’est la première préoccupation des chefs d’entreprise après la situation géopolitique mondiale, quelles sont leurs solutions?
Les difficultés de recrutement sont effectivement en forte progression depuis 2018. Cela est d’un côté dû au dynamisme économique et la création d’emplois qui en découle, et de l’autre au vieillissement de la population. La libre circulation des personnes permet d’atténuer les effets de cette pénurie de personnel. Tout comme l’intelligence artificielle qui peut aussi compenser les effets de ce problème en augmentant la productivité des employés en poste.  
    
La CVCI réalise deux études conjoncturelles par année, à l’heure où l’actualité mondiale s’accélère nettement, ces prises de température sont-elles toujours aussi pertinentes?
C’est vrai que tout va de plus en plus vite surtout quand on observe le nombre de crises qui ont éclaté ces quinze dernières années. Mais ce suivi de l’économie vaudoise reste important, même si l’incertitude domine lorsque l’on demande aux patrons leurs perspectives à court ou moyen terme. Et encore plus à long terme.