Elle a à peine une année quand ses parents sont assassinés et elle effroyablement mutilée par un milicien, laissée quasiment pour morte, dans une bourgade du Rwanda. Nous sommes en 1994, et ce petit pays d’Afrique va être le théâtre de l’un des plus terribles génocides du 20e siècle.
26 ans plus tard, Ancilla attend un enfant. Cette jeune Yverdonnoise est mariée, travaille et arbore un sourire radieux dans un visage dont on ne soupçonnerait jamais, à la voir, le traumatisme et les dégâts qu’il a subis.
Résilience
Ancilla, c’est l’histoire d’une incroyable résilience personnelle et de tout aussi incroyables coups de pouce du destin, matérialisés à chaque fois par des rencontres déterminantes qui lui ont permis de surmonter les écueils auxquels elle a été confrontés.
Depuis Jeanne l’adolescente qui veille sur elle, quasi-mourante alors qu’elle est entre la vie et la mort dans un hôpital de Kigali, au professeur Wassim Raffoul, ce chirurgien du CHUV qui, contrairement à tous les autres, accepte en 2012 de tenter de lui redonner un visage, en passant par sa famille d’accueil en Suisse, qui finira par l’adopter légalement. Sans oublier bien sûr la rencontre incroyable avec Edmond Kaiser, qui décidera de l’amener avec lui en Suisse pour la soigner et lui sauver la vie.
«Enfant, je vivais avec mon visage mutilé, raconte-t-elle. Mais à l’adolescence je me suis rendu compte que c’était bien plus difficile, y compris pour décrocher une place d’apprentissage, ce qui déjà en temps normal est difficile».
Pourtant, la médecine lui dit-on, ne peut rien de plus pour elle et elle devra apprendre à vivre avec ce visage. Elle a 16 ans, et seuls sa foi en la vie et le soutien inébranlable de sa mère lui permettent de garder le cap et de supporter «cette trace indélébile de l’enfer rwandais». «Je n’ai pas sombré grâce à ma maman, toujours confiante qui me poussait à aller de l’avant. Et pour le souvenir des mes parents biologiques aussi!»
Et puis un jour, par le biais d’une amie, elle est mise en contact avec le Professeur Raffoul du CHUV. «J’avais peur d’essuyer encore un refus, raconte-t-elle. Mais dès que je l’ai vu j’ai été rassurée par sa manière de me regarder. Cet homme est bien plus qu’un médecin et j’ai tout de suite senti que pour lui j’étais d’abord une personne avant d’être une malade».
Reconstruction
Entre 2012 et 2014, les interventions se suivent, éprouvantes mais novatrices faisant appel à la pose de ballonnets gonflables pour produire de la peau saine qui permettra ensuite, une reconstruction optimale... «Le résultat a été au-delà de toute espérance, explique Ancilla, moi qui ne rêvais que de pouvoir trouver un apprentissage et du travail. Toute l’équipe du CHUV a fait un magnifique travail».
Et puis, en parallèle de la réhabilitation lente de son visage, Ancilla a mené une autre réhabilitation, celle de son histoire. Elle prend conscience, un peu comme une claque après un cours à l’école, de la réalité du génocide rwandais et se plonge dans l’histoire de son pays de naissance. Par le biais d’une association de Rwandais en Suisse, elle retrouve les traces de sa famille, à la faveur d’un incroyable premier voyage là-bas. «Oui, j’ai retrouvé mon identité rwandaise, que j’avais longtemps reniée assume-t-elle. Pour moi, c’était le pays où j’avais été blessée, séparée de ma sœur... Longtemps il m’a été impossible de penser y retourner. Aujourd’hui, la boucle est bouclée».
«Ancilla, la jeune fille qui souriait aux étoiles», éditions Favre, 2020.