Lausanne Cités: Les Verts ont voulu faire cavalier seul. Le pari était plus que risqué. Ne se sont-ils pas montrés trop présomptueux?
Daniel Brélaz: J’étais personnellement opposé à cette rupture comme un quart de l’assemblée des Verts. L’enthousiasme des Jeunes et des nouveaux militants l’a emporté. L’électorat Vert est très sensible éthiquement et la rupture d’une alliance qui a plus de 30 ans ne lui a pas plu. La preuve, il y a plus de 6% de listes POP à la Municipalité et une surreprésentation des listes socialistes. Une part importante de l’électorat Vert potentiel a voté pour ces listes pour protester. Les Verts ont eu moins de 17% des listes à la Municipalité contre plus de 22% au Conseil communal. Il est plausible qu’une partie de l’électorat Vert potentiel aie aussi voté pour le PS ou Ensemble à gauche au Conseil communal. Le chiffre est dur à estimer, mais si l’on regarde les résultats des autres grandes communes vaudoises, cela pourrait aller jusqu’à 3 à 4 %.
Ce qui a frappé aussi au terme du premier tour, c’est le score moyen obtenu, non seulement par la municipale verte sortante, mais par ses deux colistiers. Comment l’interprétez-vous?
Dès le moment où l’on perd entre 5 et 10% sur les listes, un écart de l’ordre de 10% sur les suffrages est logique et n’a rien à voir avec les mérites des candidats. Cela signifie qu’avec une liste commune Natacha aurait été dans le trio de tête et le nouveau vert au moins au niveau de Payot.
Reste que la situation est plutôt paradoxale car, plus globalement, les Verts enregistrent une forte poussée dans les parlements des principales villes vaudoises, mais pas dans les exécutifs. Pourquoi?
La situation n’est pas la même dans les autres communes où les Verts font un pourcentage supérieur à celui des fédérales de 2019 dans 13 communes. Tout montre que les Verts vont également faire une forte poussée dans les Municipalités au deuxième tour du 28 mars même s’ils ont rarement dépassé 50% au premier tour.
A Lausanne, vous étiez une «locomotive» électorale susceptible de drainer des voix bien au-delà de votre parti. Personne n’est en mesure, aujourd’hui dans votre formation, de faire de même?
Je n’ai pas eu des scores exceptionnels en 1989 (première élection) ni en 2011 (dernière). Vu le faible pourcentage de listes vertes à la Municipalité, on constate que les candidats Verts ont obtenu de 8 à 16% de suffrages sur les autres listes, ce qui n’est pas si mal. Le problème, ce ne sont pas les candidats, mais la sanction faite par un quart à un tiers de l’électorat potentiel des Verts lausannois, de la stratégie choisie.
Au deuxième tour, c’est Xavier Company, qui a obtenu moins de voix que Daniel Dubas, qui va rejoindre Natacha Litzistorf sur le ticket vert. Une décision qui divise le parti. Qu’en pensez-vous à titre personnel?
Comme l’a expliqué la presse quotidienne, le comité était pour le respect du choix du peuple, soit pour le ticket avec Daniel Dubas. Je n’ai pas pu assister à ce débat, car étant bloqué à Berne par la loi COVID jusqu’au-delà de minuit. Si j’y avais participé, j’aurais clairement soutenu le choix du comité. Le résultat d’un vote de hasard (39 contre 38 et 6 abstentions) a été le fait des Jeunes Verts et de certains courants sociaux qui ont estimé que Daniel Dubas n’était pas assez engagé sur le terrain. Ce choix d’un excellent candidat de terrain est critiquable sur le plan démocratique et doit être attribué, à mon avis, à un manque de culture politique d’un certain nombre de membres récemment engagés en politique. Pour nuancer il faut aussi admettre que l’assemblée d’automne des Verts aurait largement choisi Xavier Company, mieux implanté dans le parti, s’il avait été décidé de partir à deux.
Au final, quelle leçon faut-il tirer de cet échec?
La leçon à tirer de tout cela est que le choix stratégique fait par une majorité des Verts l’année passée était une erreur. Sans ce choix, les Verts auraient probablement obtenu quelques sièges de plus au Conseil communal et auraient été dans une position beaucoup plus forte pour négocier un troisième siège dans 4 ans. C’est le paradoxe politique de ces élections. Ce n’est pas la première fois dans l’histoire des Verts que des erreurs stratégiques sont faites et l’on peut apprendre de ses erreurs. Les mesures concrètes que nous arrivons à faire passer pour la population, souvent après de longs combats, sont bien plus importantes et forgent des succès électoraux grandissants au fil du temps.