L'hiver, et l'éclairant phénomène est observé depuis la nuit des lustres, revêt une agréable propension à devancer le printemps. Mais certaines années comme celle en cours, il perdure dur à recouvrir de son gris-blanc manteau nos velléités d'apéros marcel-terrasse dans une nature en fleurs. Températures sur l'arc lémanique et reliefs alentours: comptez une fourchette de -2 à 8 degrés, un couteau pour émincer les brumes matinales et... une petite cuillère pour ramasser le moral des troupes. Vent latéral de force moyenne, toutefois suffisante pour vous glacer un Carioca en short.Pourquoi le cortex flapi du légumineux plumitif doit-il végéter au point de nous rabougrir les humeurs avec un bulletin météo, alors que son mandat consiste à nous entretenir de sport? Parce que Cariocas en short, précisément. Depuis lundi, les stars de la légendaire Seleção se réchauffent comme elles peuvent sous nos fenêtres, et jeudi soir il y aura du monde au balcon. Brésil-Italie, 30 000 spectateurs au Stade de Genève - ça va nous changer des 5-6000 tondus qui se pèlent de coutume dans les travées d'une enceinte qui, à 10 ans tout juste, paraît déjà si vieille.
Un lien intime
Mais revenons à la magie du football, revenons au ciel, tant il apparaît évident qu'il existe un lien intime entre les deux. «Dieu a fait l'Homme à son image et c'est rassurant: ça veut dire qu'il aime le foot», décréta un jour l'humoriste Patrick Timsit. Ce n'est en tout cas pas François, pape immédiatement salué ou dénoncé comme fanatique du club de San Lorenzo (cœur de Buenos Aires), qui dira le contraire... Dans la Ruhr comme la Pampa, sur les rives du Bosphore ou de la Tamise, à Abidjan, Belo Horizonte ou Gingins, ce jeu-là peut aller jusqu'à donner un sens à la vie des gens. Opium du peuple? Une simple victoire des idoles suffit parfois à béatifier les fervents supporters, transcender les foules dévotes.Comme l'Argentine en a reçu pour son grade depuis que la fumée s'est fait toute blanche, magnifions l'art du contrepied et rendons hommage à ces Brésiliens, ambassadeurs incontestables de la relation directe entre ballon rond et vraie religion. Un match des «auriverde», c'est tout un rituel, une consécration, avec des chants plus ou moins harmonieux pour faire oublier les orgues, des fumigènes à la place des cierges et tout le prosélytisme commercial qui va avec telle grand-messe. Tous les apôtres (Julio César, Thiago Silva, Kaka, Neymar...) seront là, à quinze mois de ce qui doit devenir, pour tout un peuple, la conquête du Graal - la Coupe du monde 2014.
Un seul pape
«Je me demande si le reggae n'est pas en train de prendre le pas sur la liturgie...», pouffait Coluche à la fin des années 1970, constatant que Bob Marley attirait davantage de spectateurs payants que le Pape de pèlerins gratuits. Aujourd'hui, on n'est pas loin de penser que le Stade fait de l'ombre au Temple. A Rome, il n'y a qu'un seul pape: c'est Francesco Totti, guide spirituel, meneur de jeu encensé, sacré buteur. Et tant que l'émission Téléfoot chevauchera - on parle d'horaires... - le culte du dimanche matin, on vous le jure, ce ne sera pas bon pour les recettes paroissiales.