Certaines dates restent indélébiles aux esprits les mieux percés. Pour simplifier et sauf omission toujours possible de notre part, les pierres blanches et autres fers rouges avec lesquels on a tendance à marquer le chemin de l'existence sont les suivants: naissance, anniversaires, Noël, mariage(s), renaissance, Saint Glinglin, Prix Nobel pour ceux qui le décrochent, victoire en Coupe du monde ou en tournoi du Grand Chelem, anniversaires de mariage(s), on passe sur le(s) divorce(s) éventuel(s) et puis survient le décès, tôt ou tard, plus ou moins bien réussi. Bref, on retient les grands jours de la vie.
Un moment particulier
Et si ce lundi 13 mai, à défaut de l'être déjà, devenait une date pas comme les autres? S'il s'agissait d'une page particulièrement lourde de sens dans la riche encyclopédie du tennis helvétique, car c'est bien de balle jaune qu'on est en train de parler? Si nous assistions, ébahis bouches bées parce que le phénomène se reproduit tous les 142,6 ans environ, à une étincelante éclipse orbitale ténébrumeuse? Toujours est-il qu'en ce deuxième lundi de mai, tandis que l'aube rosie cherchait en vain à bercer l'illusion d'un printemps naissant, un astéroïde est tombé dans le bircher.L'histoire dira si on doit causer de révolution - les très prochains rendez-vous de Roland-Garros puis Wimbledon nous aideront à y voir plus clair. En attendant, c'est le choc. Stanislas Wawrinka, récent finaliste à Madrid et excellent 6e d'une «Race» emmenée par Novak Djokovic, devance un certain Roger Federer, pour sa part 11e dudit classement qui sert de baromètre à la saison. Si, si... la photo, anachronique pour ne pas dire absurde, est bien bonne: «Stan» surpasse «Rodgeur» pour la toute première fois depuis que le duc d'Orléans, «profitant» de deux décennies de captivité, introduisit le jeu de paume en Angleterre; pratique qui deviendra, quatre siècles après (donc fin XIXe) et un sévère lifting plus tard, le tennis.
Le temps du doute
Roger Federer est le tennis, aujourd'hui encore 3e mondial après avoir longtemps dominé la planète. Mais il file sur ses 32 ans. Pas un traitre trophée à soulever en cinq tournois. Sept semaines de repos, une défaite contre le Japonais Nishikori, corrigé par Nadal à Rome, la dèche, le doute, son pire bilan intermédiaire depuis 2001. Stanislas Wawrinka, lui, est juste un homme, 28 ans, grosse patate et nouveau coach (le Suédois Magnus Norman). Il n'a remporté que le tournoi d'Estoril et il toque à la porte du club des dix meilleurs pour la deuxième fois. En 2008, il n'y était resté que quelques semaines. Le Vaudois peut-il faire mieux? Est-il capable de croiser le Bâlois dans l'ascenseur hiérarchique? (On parle de classement brut, pas de palmarès devant l'éternel...) Va-t-il vivre son apogée au moment où celui qui lui a fait tant d'ombre connaîtra son déclin?
Un sacrilège?
Poser la question tient déjà du sacrilège. Parce qu'à chaque fois qu'on a fredonné le chant du cygne aux oreilles du joueur le plus titré de l'histoire, le phénix tapait un coup gagnant. Encore? Pour Federer, la terre parisienne paraît un peu battue d'avance. Et son jardin de Wimbledon, peut-il fleurir derechef? Un astéroïde dans le muesli et tellement de questions. Bientôt, on saura. On saura si ce 13 mai 2013 était une date importante pour la face du tennis suisse.