Mais trêve de verticalité superflue. Le ski, quoi qu'on en dise, c'est là que l'Helveticus athleticus cartonne le plus volontiers de coutume. Avec des vrais champions élevés au grain du lopin, affinés à la gnôle du verger, sans peur et sans reproche, «Hopp Schwiiiz, Hopp Schwiiiz» beugle la foule en tapant des pieds tellement il fait froid dans l'aire d'arrivée, à l'ombre pour tout arranger, balayée de surcroit par une bourrasque perfide.
Une tranche de patrimoine
Le ski alpin? Une tranche de patrimoine, un coulis de fierté nationale et une cascade de lauriers à travers les âges. Un tas d'excellentes raisons pour s'auto-satisfaire la fibre Guillaume Tell, sur nos monts quand le soleil... Sapporo 1972, Russi-Collombin, l'inoubliable doublé lors d'une descente olympique entrée dans la légende; Crans-Montana 1987, la razzia historique qui cristallise un rêve doré qui s'étira sur une bonne décennie, celle de Zurbriggen & co, qui nous faisait rentrer fissa de l'école pour mater les courses; et puis les années Didier Cuche, moitié homme moitié mélèze, héros sensible aux gigots d'acier, à la volonté titanesque. Les Suisses? Des cracks de la spatule, chez les dames comme chez les messieurs, des as de la courbe taillée au cordeau, des experts ès dérapages contrôlés. Des fous du chrono, des vainqueurs par nature et ça nous changeait. Mais pas cette saison.Cette saison, on l'attendait triomphale comme une marche de Verdi; elle s'avère rigolote comme l'adagio d'Albinoni. Ces demoiselles rosissent certes un chouïa le tableau noir, surtout Lara Gut, qui s'entraîne avec sa propre structure, souvent en bisbille avec la fédération. Mais pour le reste, c'est soupe à la limace, avec cette fâcheuse impression que le ver est dans le fruit. Carlo Janka, Grison, chirurgien des neiges à la recherche de son fameux coup de scalpel, meilleur latteur du monde en 2010, collectionne désormais les virus dorsaux, raison pour laquelle son «podioum» en super-combiné vendredi à Wengen ne lui a pas arraché le moindre sourire.
Quansd on joue les seconds couteaux
Un troisième rang, sinon rien de tout l'hiver. Les Confédérés jouent les seconds couteaux dès la première manche. Vaste désert, vide vertigineux. Beat Feuz, potentiel Appenzellois de génie, brillantissime 2e du général le printemps dernier, est à nouveau brouillé avec son genou gauche. Sur le flanc, chocolat. Cuche est parti - minute de silence -, les jeunes ne sont pas encore arrivés et l'autre Didier, Défago qui a tout gagné par le glorieux passé, a du plomb qui colle aux semelles. Lui, le «meilleur» Suisse, figure en misérable 34e de la hiérarchie planétaire - qui concerne en gros dix nations, ceci dit histoire de remuer la fourchette dans la blessure.Le ski suisse? Une descente vertigineuse, à mi-chemin entre James Cameron (Abyss, 1989) et Charles-Ferdinand Ramuz (La grande peur dans la montagne, 1925). Et puis l'humiliation suprême, avec ce spot publicitaire qu'on nous inflige entre deux déroutes, dans lequel nos ténors du fiasco jouent à benêt blanc et blanc benêt en agitant des cloches.