Ces nouvelles enseignes qui font revivre la place du Tunnel

VIE DE QUARTIER • Des jeunes commerçants audacieux n’ont pas attendu les divers réaménagements annoncés au sein de cet espace public pour s’y installer et attirer une nouvelle clientèle. Etat des lieux.

Appelée à devenir à moyen terme un des espaces les plus animés de la capitale vaudoise, selon les vœux de la Municipalité, la place du Tunnel connaît déjà de petits bouleversements. Ce lieu abrite depuis de très nombreuses années des établissements qui ont forgé son identité. Parmi eux, le G7 qui existait depuis plus de 25 ans.
Rendez-vous de la diaspora antillaise et subsaharienne, il était à la fois bar et discothèque avant que de nouvelles règles communales favorables au voisinage ne mettent fin à son petit dancefloor et ses horaires tardifs. Si le couple qui gérait cet espace a finalement mis la clé sous le paillasson début juillet, laissant les murs vides pour l’heure, d’autres acteurs urbains ont pris les choses en main à proximité, ce qui dynamise la place et attire un nouveau public.
Comme à Copenhague
Outre La Parada qui a remplacé le Lausanne-Moudon avec des saveurs et des sonorités d’Amérique latine, l’intérieur du Deli Social confère une ambiance digne de Copenhague ou de Berlin depuis juin 2021 à la place du Tunnel habituellement très popu. Le couple Emily, designer de formation, et Rhys, architecte et cuisinier, a créé ce «café-laboratoire culinaire-librairie et atelier». Ouvert uniquement en journée, il se veut expérimental et propose aussi des résidences gastronomiques à de jeunes chefs en collaboration avec la résidence d’artistes La Becque située à La Tour-de-Peilz. Culture encore, avec leurs tout nouveaux voisins de palier, à l’enseigne du Music sounds better with books (clin d’œil au titre d’un énorme tube de la french touch sur le label Roulé en 1998, ndlr). Un groupe d’activistes culturels, sous les appellations distinctes de Upside records et de Mosoma books, y propose désormais des livres et des disques vinyles, neufs ou d’occasion, sous le même toit.
Plan B et ramen
Vous voulez encore des exemples de changements d’affectation et d’ambiance à la place du Tunnel? Accrochez-vous. C’est d’abord le Plan B qui remplace depuis quelques semaines déjà le Broadway. En couple à la ville comme au travail, Nelson et Pedro avaient sévi auparavant au Pavillon, place de la Riponne. Ils ont lancé ce café-restaurant avec une touche arty et une ambiance chaleureuse qui fait la part belle à une programmation de concert, djing, projection et stand-up, tant à son rez-de-chaussée qu’à son sous-sol pour des événements plus conséquents: ils ont en effet récupéré l’ancien Vinyl club dans leur concept.
Vingt mètres plus loin, voici le Black Market Ramen qui vient d’ouvrir. A sa tête, Daniel, un Anglais (son accent le trahit) aux origines italiennes. Après avoir roulé sa bosse dans les stations  de ski valaisannes, il est parti travailler au Japon, où il s’est pris de passion pour les ramen. Ce bouillon parfumé agrémenté de nouilles et d’autres délices est depuis longtemps le plat le plus populaire au pays du soleil levant. Et il est devenu incontournable ces cinq dernières années dans les capitales du monde entier.
De retour en Suisse, et après des pop-up restaurants à Verbier, Daniel s’est associé avec certains de ses clients pour lancer son établissement à Lausanne, aux lignes boisées épurées: du frêne fumé avec une technique niponne. Ses nouilles sont, elles, confectionnées dans la région. Quant au nom de son enseigne? «C’est une référence à un livre qui traitait de la situation du Japon, à genou, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, explique Daniel. Le marché noir régnait dans plusieurs domaines y compris pour la nourriture avec des vendeurs illégaux de ramen.»  
Anticipation urbanistique
Ainsi, ces divers acteurs n’ont pas attendu le début des travaux d’urbanisation promis sur cette vaste place depuis des années pour l’accaparer et la faire vivre. Grâce à la levée judiciaire, en septembre, d’un recours après enquête publique qui bloquait tout depuis trois ans, des réaménagements transitoires devraient débuter le printemps prochain. Un vaste projet de transformation définitive avec la suppression partielle de la circulation des véhicules motorisés et de places de parc se fera par la suite. Si les réaffectations urbanistiques ont généralement un fort impact sur la vie d’un quartier, force est de constater qu’ici des commerçants les ont devancées et ont déjà modifié la physionomie de cette place.