La revanche des petites mains
Ils, et très souvent plutôt elles, étaient les «petites mains» invisibles qui faisaient marcher la société: caissières, chauffeurs de bus, facteurs, aides-soignantes, infirmières, toutes ces personnes que l’on côtoyait mais ne regardait jamais sont celles qui ont pris le plus de risques durant la pandémie, au nom de l’intérêt général et de la nécessité de faire fonctionner, même a minima la société qui d’un coup a pris conscience de leur importance. Nul doute cependant que quelques salves d’applaudissements nocturnes ne suffiront pas à leur redonner les salaires qu’elles méritent dans un monde où évidemment la rémunération du capital reste de loin supérieure à celle du travail.
Tous des privilégiés?
Un café dans une terrasse, un repas familial, des voyages en avion à moins de 50 francs, nos enfants à l’école… La pandémie a mis en évidence à quel point ces acquis que l’on croyait éternels et garantis sont fragiles. Pour les enfants gâtés du 21e siècle que nous sommes, elle sonne comme une piqûre de rappel bienvenue. Rien ne nous est dû, et encore moins de manière absolue et systématique. A méditer avant de râler et pester lorsque notre train aura enregistré à peine 3 minutes de retard…
Le retour des frontières
On les pensait abolies, à la faveur d’une intégration européenne dans laquelle la Suisse a trouvé sa place grâce à Schengen. Il aura suffi d’une épidémie pour qu’elles retrouvent toute leur réalité, dans un réflexe parfois irrationnel pour contrôler un ennemi invisible et qui aura conduit les états à les rétablir, comme pour naguère tenter de contrôler l’avancée des panzers. Le résultat: des familles séparées et parfois déchirées, des travailleurs frontaliers adoubés pour la libre circulation, des saisonniers bloqués pour leur malheur et celui des pays qui ont besoin d’eux, et un monde qui ne sera plus jamais tout à fait comme avant.
Les ultras toujours en embuscade
S’il est un enseignement socio-politique à tirer de cette crise, c’est bien que les ultras ne changeront jamais. A la pression irresponsable de certains milieux économiques et politiques s’oppose l’aveuglement symétrique de la gauche extrême qui revendique des revalorisations salariales tout aussi immédiates à un moment où la situation économique n’a de mémoire d’homme jamais été aussi critique. Si on y ajoute l’empressement des plus écolos à tirer au moment où aucune relève à court terme n’est disponible, sur l’industrie de l’aviation à terre au sens propre comme au sens figuré, on ne peut que se dire: Vivement la balle au centre.
Et si on tentait le revenu universel?
Certains l’ont soutenu, le peuple suisse l’a récemment balayé en votation. Et pourtant: la crise du covid montre qu’un filet social systématique généralisé et bien financé au préalable aurait permis non seulement d’amoindrir l’impact économique de la crise, mais aussi d’éviter la plongée abyssale des comptes publics que l’on va observer partout sur la planète. Le revenu universel, qui était une exigence morale dans nos démocraties sociales, va donc également se trouver une justification économique à la faveur de l’épidémie.
La science au centre des débats
Le coronavirus aura été l’occasion de rappeler des évidences découvertes par Louis Pasteur il y a bien longtemps. Oui, l’hygiène et l’asepsie sont bel et bien des facteurs de santé publique. Au-delà de cela, un constat: dans nos sociétés de technologies avancés, la science ne peut pas tout. Même si elle peut beaucoup – l’ampleur des recherches actuellement menées sur le covid le montre – elle n’a pas de poudre de perlimpinpin pour résoudre illico presto tous les défis de l’humanité, par un coup de baguette magique. Mieux même, le doute, le tâtonnement et le temps en sont les fondements constitutifs, loin des assertions péremptoires et médiatiques d’un Didier Raoult. Aux scientifiques donc d’entamer un urgent travail de pédagogie, alors même que fleurissent comme toujours dans pareilles circonstances charlatans et complotistes de tous bords.
Une société résiliente
Au-delà des constats sempiternellement catastrophistes et désabusés, le coronavirus aura pointé du doigt la résilience de la société suisse qui sans confinement total, a réussi à aplatir la courbe des cas infectés. Civisme donc, malgré quelques manquements sporadiques, mais aussi une floraison d’initiatives locales de solidarité, tandis que le tissu social et économique s’est adapté avec une aisance impressionnante, à la fois pour adopter les mesures sanitaires requises, recourir au télétravail et téléenseignement, mais aussi pour innover et surfer sur la vague d’un nouveau marché ouvert par la pandémie. Yes we can!