Le 29 février dernier, je m’envolais pour Bangkok en compagnie de mon partenaire afin de poursuivre mon rêve d’enfant, faire le tour du monde. Le Covid-19 ne me semblait alors qu’un funeste présage. Je ne m’attendais pas à ce que la situation mondiale se dégrade de manière si rapide. Dans un premier temps, alors que nous profitions des eaux turquoise et des couchers de soleil de Koh Lanta, en Thaïlande, nous nous préoccupions surtout de la situation de nos familles face à l’évolution de la pandémie en Italie, pays limitrophe de notre patrie. Puis, au bout de notre deuxième semaine de voyage, les pays d’Asie du Sud-Est, dont la Malaisie où nous nous trouvions alors, ont commencé à fermer leurs frontières les uns après les autres. Nous savions que ce jour allait arriver et qu’il nous faudrait prendre LA décision: rentrer en Suisse ou rester vivre le confinement sur place sachant qu’il s’impose désormais un peu partout dans le monde! Nous avons finalement sauté dans le premier avion pour l’Indonésie. Ici, nous pourrons économiquement tenir plus longtemps qu’en Suisse. Rentrer sans avoir un job dans la situation de crise actuelle a aussi ses désavantages.
Nous avons trouvé un pied-à-terre dans un village de Java, proche de Yogyakarta, où nous confiner. Nous voulions à tout prix éviter Jakarta, l’épicentre de la propagation du virus en Indonésie, ainsi que les grandes destinations touristiques telles que Bali.
Le calme avant la tempête?
Voilà bientôt deux semaines que nous vivons dans notre petit bungalow en bois sculpté et toit de chaume. Ce complexe écologique en compte quatre autres, mais nous sommes les seuls occupants avec le manager du lieu qui vit dans la hutte voisine. Cette faible fréquentation est normale en saison basse. Cela dit, elle est principalement due à la chute du tourisme dans le pays à cause du coronavirus. Nous avons tout le nécessaire pour vivre dont une kitchenette commune et une connexion internet pour pouvoir travailler et rester en contact avec nos proches en ces temps difficiles.
Depuis notre arrivée, nous avons une impression de calme avant la tempête. Car les autorités indonésiennes viennent de prendre des mesures: fermeture du territoire aux voyageurs en provenance de zones à risques, suspension du service de visas, fermetures de sites touristiques et des écoles, etc. Toutefois elles ne concernent pas encore l’ensemble du pays. Et il semble y avoir un clivage entre villes et campagnes. Ici, à Kalipucang, rares sont les personnes qui portent un masque; pas non plus de panneaux de sensibilisation au coronavirus et gestes préventifs comme j’ai pu en observer à l’aéroport de Jakarta par exemple; les gens continuent de se rendre quotidiennement à la mosquée; les food-trucks, les quelques cafés et restaurants du village ainsi que les échoppes (il n’y a pas de supermarchés à proprement parler dans les environs) restent ouverts.
Cette atmosphère «bon enfant» pousse à baisser la garde. Mais nous prenons tout de même quelques précautions: nous restons en contact avec le DFAE grâce à l’application Travel Admin, sortons le moins possible, prenons nos plats à l’emporter ou les commandons en ligne grâce à l’application Grab qui propose désormais une option de livraison respectant les mesures sanitaires. Si nous restons manger dans un restaurant, nous nous assurons en outre qu’il soit peu fréquenté afin de garantir une distance de sécurité.
Garder le cap
A l’heure qu’il est, je ne sais pas si nous avons pris la bonne décision. Si elle était raisonnable. Tout demeure incertain et nous passons par des phases de doutes, d’angoisse, de culpabilité aussi vis-à-vis de nos proches qui seraient certainement plus rassurés de nous avoir à leurs côtés, même s’ils nous font confiance et nous soutiennent. Nous essayons malgré tout de garder le cap, de vivre au jour le jour et de ne pas céder à la panique. Il nous plaît à penser qu’il y a sans doute aussi de bonnes leçons à tirer de ce chaos en cours…