Il l'a dédiée à son fils Mathias décédé d'un cancer en 2009. Après une première version en langue allemande publiée l'année dernière, la biographie d'Adolf Ogi vient de sortir en français. «Dölf Ogi, c'est formidable!» retrace l'itinéraire d'un gamin de Kandersteg que rien n'avait prédestiné aux plus hautes charges et aux plus grandes rencontres.
Lausanne Cités: Ce livre, vous avez voulu avant tout le destiner à la jeunesse. Pourquoi?
Adolf Ogi: Parce que la jeunesse, c'est l'avenir. J'aimerais lui transmettre du courage. Lui dire de ne pas douter, qu'il faut se battre. Qu'on peut réussir malgré les obstacles qui se dressent devant soi...Un peu comme vous?Oui, car rien ne me prédestinait à devenir Conseiller fédéral. Je ne suis pas issu d'un milieu favorisé. Mon père était simple guide montagne à Kandersteg. Il gagnait 70 francs par course qu'il effectuait avec des touristes. Vous imaginez le nombre de courses qu'il fallait faire pour boucler le mois. Et celles qu'il a dû faire pour me payer mes cours à l'Ecole de Commerce de la Neuveville où j'ai passé trois ans. Cela coûtait 4900 francs par année. Le calcul est vite fait!
On vous a parfois reproché vos origines, plutôt modestes, et de ne pas être un intellectuel.
Oui, notamment avant d'entrer au Conseil fédéral. La NZZ avait écrit que je n'avais pas le niveau. Ce qui m'avait alors beaucoup touché. Mais je crois avoir prouvé le contraire par la suite...En tant que Conseiller fédéral et Président de la Confédération, vous avez rencontré beaucoup de dirigeants à travers le monde. Quels sont ceux qui vous ont le plus marqué?François Mitterrand que j'ai rencontré à Paris lors d'un premier voyage officiel. Il est venu ensuite à Kandersteg et je l'ai retrouvé à d'autres reprises, notamment à Bruxelles où il m'a en quelque sorte intronisé auprès des dirigeants européens de l'époque. Helmuth Kohl aussi, qui était un véritable ami de la Suisse, Kofi Annan avec qui j'ai gardé des liens très forts. Sans oublier Ruth Dreifuss avec qui j'entretiens une amitié qui va bien au-delà des positions partisanes.
Un événement qui vous a spécialement marqué?
Il y en a beaucoup, mais je dirais la partie officielle de la réception du président chinois Jiang Zemin qui était arrivé au Palais Fédéral conspué par des manifestants. Durant la réception officielle, il s'était emporté contre Ruth Dreyfuss et, hors de lui, avait menacé de s'en aller. On frisait l'incident diplomatique. Je l'ai alors pris par le bras et lui ai dit: «Your are not leaving! - Vous ne partez pas». Peu après, je lui ai offert un morceau de cristal de Kandersteg que j'avais dans la poche en lui expliquant sa force symbolique. Il s'est détendu et le reste de la soirée s'est bien déroulé. Les relations entre la Suisse et la Chine étaient sauves.