L’Indonésie et la Malaisie représentent à elles seules près de 85% de la production d’huile de palme dans le monde. Cette huile bon marché, mais aux coûts environnementaux et sociaux élevés, est présente au quotidien dans les aliments industriels, les cosmétiques et les biocarburants. Chaque année, des milliers d’hectares de forêt disparaissent afin d’en satisfaire la demande mondiale croissante. L’Indonésie détenait ainsi en 2012 le plus haut taux de déforestation du monde, selon une recherche parue en 2014 dans le revue «Nature Climate Change».
Thomas Guillaume, post-doctorant au Laboratoire des systèmes écologiques (ECOS) de l’EPFL et à l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL, est le premier auteur d’une étude de synthèse sur l’impact environnemental de la culture de palmiers à huile en Indonésie.
Coût en carbone
L’article, paru le 19 juin dans la revue «Nature Communications», s’est penché spécifiquement sur le coût en carbone de la conversion de forêts tropicales en monocultures de palmiers à huile. Grâce à un ensemble de données relevées durant plus de deux ans par l’Université de Göttingen sur les sols et la végétation au centre de Sumatra, le chercheur a comparé l’impact de la culture intensive de palmeraies à huile à celle de l’hévéa, une plante à l’origine du caoutchouc naturel cultivé en monoculture et, de façon moins intensive, à l’intérieur de forêts.
La conversion de forêts tropicales en culture intensive de palmeraie à huile est apparue comme la plus problématique en termes d’émissions de carbone: un hectare de cette exploitation revient à une perte de 174 tonnes de carbone, par rapport à son équivalent en forêt tropicale, et dont la plupart se retrouvera dans l’atmosphère sous forme de CO2. «La quantité de carbone émise lorsque l’on transforme un seul hectare de forêt en culture de palmier à huile correspond grossièrement aux émissions de 530 personnes voyageant de Genève à New York en classe économique», indique le chercheur.
L’étude apporte également des conseils concrets pour réduire à court terme l’impact environnemental de la monoculture d’hévéa et de palmiers à huile. La déforestation ne devrait ainsi intervenir que si le bois coupé peut ensuite être valorisé sans être brûlé, par exemple dans la construction. Et une plus importante végétation de couverture devrait être laissée au sol comme engrais vert. Les résidus en provenance des moulins à huile devraient également retourner sur les sols pour les fertiliser naturellement. Sur le plus long terme, le chercheur évoque le projet Oil Palm Adaptive Landscapes (OPAL), financé par le Fonds National Suisse (FNS) et la Direction du développement et de la coopération suisse (DDC).
Le groupe du professeur Alexandre Buttler, directeur d’ECOS, y étudie le bilan de carbone d’exploitations de palmiers à huile qui ne nécessitent pas de déforestation. Des plantations sur d’anciennes prairies ou dans la savane, en Colombie, et, au Cameroun, des techniques de plantations intercalées permettant de minimiser les besoins en surface agricole.