Eclairage
Contre AVS 21: Léonore Porchet, Les Verts
Les comptes de l’AVS sont bénéficiaires mais les perspectives sont bien plus inquiétantes. N’est-il pas temps de modifier la loi pour assurer la pérennité des retraites des Suisses?
Les perspectives ne sont pas inquiétantes: toutes les projections pessimistes ont été démenties! Le défi des baby-boomers est bien réel, mais il est ponctuel et il peut être surmonté avec un financement ponctuel, par exemple avec les réserves de la BNS attendant d’être distribuées. Et si vous me parlez du rapport «nombre d’actifs pour nombre de rentiers», les calculs sont biaisés, puisque «les actifs» sont toutes les personnes en âge de travailler, que ce travail soit salarié ou non. Or, il y a une part de plus en plus importante de ces «actifs» qui occupent un travail salarié, participant ainsi à la bonne santé de l’AVS.
Le projet AVS 21 prévoit l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans. N’est-ce pas une simple mesure d’égalité?
C’est l’égalité à l’envers! Les femmes sont discriminées tout au long de leur vie et c’est elles qui sacrifient leur carrière (et donc leur salaire et leurs cotisations) pour s’occuper des enfants et des proches dans le besoin. En conséquence, elles ont des rentes d’un tiers plus basses que les hommes. Une retraitée sur 6 vit dans la pauvreté! Et il faut rappeler que cette réforme ne touche pas que les femmes, les couples aussi vont perdre une année de rente.
Le projet prévoit une flexibilité pour moduler son départ à la retraite entre 63 et 70 ans. N’est-ce pas une mesure qui donne plus de liberté à chacun pour organiser sa retraite, et pour les femmes, combler leurs lacunes de cotisation?
La flexibilité n’est pas combattue. Mais elle ne va que dans un sens, celui de travailler plus. En effet, les femmes perdent une année d’accès à la retraite anticipée (63 ans au lieu de 62 ans). Pour combler les lacunes de cotisation, il serait plus efficace et durable de prendre des mesures en faveur de l’égalité, à commencer par améliorer l’accueil de jour des enfants, instaurer le contrôle de l’égalité salariale et mettre en place un congé parental.
La retraite pour tous au minium à 67 ans n’est-elle pas inéluctable dès lors que l’espérance de vie augmente?
Ce sont les années de vie en bonne santé qui comptent et en Suisse, la moyenne est de 68 ans, pour les hommes comme pour les femmes. De plus, elles ne sont pas les mêmes pour tout le monde: plus on a de l’argent, plus les chances de vivre longtemps en bonne santé augmentent. Et les personnes les plus riches auront elles les moyens de prendre leur retraite quand bon leur semble.
Que serait pour vous une bonne réforme de l’AVS?
L’AVS a une obligation constitutionnelle qu’elle ne respecte pas: garantir le minimum vital. La première urgence, c’est donc d’augmenter les rentes, pas le temps de travail! Et l’argent est là: la BNS ne distribue pas toutes les réserves qu’elle devrait redistribuer chaque année et les possibilités sont énormes. Mais une petite augmentation des cotisations suffirait aussi. Nous avons des possibilités pour un système de retraite solide pour tout le monde, c’est un choix politique!
Pour AVS 21: Florence Bettschart-Narbel, PLR
Les comptes de l’AVS sont bénéficiaires et plutôt au beau fixe. Etait-ce le bon moment pour changer la loi?
Entre 2014 et 2019, les comptes de l’AVS présentaient un déficit et n’ont été par la suite améliorés que par la réforme de l’imposition des entreprises. Mais, dès 2025, ceux-ci seront de nouveau dans le rouge et ne feront que s’enfoncer en raison de l’arrivée à la retraite des baby-boomers et de l’augmentation de l’espérance de vie. Si nous voulons garantir les rentes, nous devons légiférer maintenant.
AVS 21 prévoit l’augmentation de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans et cela est présenté comme une mesure d’égalité. N’est-ce pas hypocrite dès lors que l’égalité salariale n’est toujours pas atteinte entre hommes et femmes?
Des mesures de compensation sont prévues pour les femmes les plus touchées par la réforme, et en particulier pour celles qui gagnent le moins. Ainsi, les femmes nées en 1961 et 1969 pourront recevoir des rentes à vie d’un montant supplémentaire allant de 50 à 160 francs selon leur revenu.
Les femmes touchent actuellement des rentes de retraite un tiers moins élevées que les hommes. Est-il juste de leur demander de travailler une année supplémentaire?
Deux éléments: tout d’abord, c’est surtout dans le 2e pilier qu’il y a une différence importante de rente entre les femmes et les hommes. C’est dans ce dossier-là qu’il faudra agir, par exemple en faisant en sorte que les femmes cotisent dès le 1er franc. Dans le 1er pilier, la différence est de l’ordre de 1 à 2 %. Ensuite, en 1948, lorsque l’AVS a été introduite, l’espérance de vie pour les femmes était de 13 ans après la retraite, aujourd’hui elle est de 23 ans (pour les hommes 12 ans, respectivement 20 ans). L’augmentation de l’âge de la retraite est dès lors équilibrée.
Elever l’âge de la retraite des femmes à 65 ans est-il bien raisonnable dès lors que l’on sait qu’il est très difficile de retrouver du travail après 60 ans?
Les statistiques du chômage démontrent que ce sont surtout les jeunes qui sont au chômage. Pour les soixantenaires, le taux correspond à peu près à la moyenne suisse que l’on soit un homme ou une femme.
Pour les opposants à AVS 21, la réforme conduit les femmes à perdre une année de rente AVS, soit environ 26’000 francs. Est-ce juste et équitable?
Les femmes vont surtout perdre une année de salaire, souvent intéressante financièrement à l’aube de la retraite. Il est donc totalement faux de dire qu’elles vont perdre quelque chose.
Le projet prévoit également un relèvement modeste de la TVA. Or la TVA est payée par tout le monde y compris les plus pauvres. Est-ce équitable alors que les effets de l’inflation commencent à se faire sérieusement sentir?
Comme vous le dites, il s’agit d’une augmentation modeste: 0,1% pour les denrées alimentaires, soit 10 centimes de plus sur un achat de 100 francs. Cette mesure simple fait en sorte que toutes les générations contribuent à garantir l’AVS. Elle est nécessaire malgré l’inflation.