Au cœur de l'enfer sexuel

TÉMOIGNAGE • A l'âge de huit ans, Somaly Mam est tombée dans un réseau de prostitution. Battue, violée et torturée, cette Cambodgienne est aujourd'hui le porte-voix des enfants soumis à l'esclavage sexuel dans les bordels du Sud-Est asiatique. Elle sera à Lausanne le 29 mai dans le cadre du lancement d'une fondation.

  • Somaly Mam: un combat incessant pour faire cesser l'esclavage sexuel des enfants dans le Sud-est asiatique.

    Somaly Mam: un combat incessant pour faire cesser l'esclavage sexuel des enfants dans le Sud-est asiatique.

Difficile d'imaginer une histoire plus sordide que celle de Somaly Mam. Née dans une ethnie pauvre et minoritaire du nord du Cambodge, elle connaît une enfance extrêmement précaire. Vendue à l'âge de 8 ans, violée à l'âge de 12, mariée de force à 15 et vendue à 16 ans à un bordel de Phnom Penh, la capitale khmère, elle a vécu l'enfer. Mais ne désire pas s'apitoyer sur elle-même: «Vous savez, je ne suis pas la seule Cambodgienne à avoir été forcée à se prostituer. Beaucoup de jeunes filles ont ainsi été vendues comme moi pour devenir des esclaves sexuelles. Des jeunes filles, mais aussi des enfants âgés de 4 à 6 ans, dont certains clients pensent qu'en couchant avec, ils rajeuniront et n'attraperont pas le sida.»

Sauver et réinsérer

Depuis qu'elle a réussi à s'extirper de cet enfer, grâce à un Français qui est ensuite devenu son mari, elle y replonge pourtant sans relâche, faisant fi des menaces de toutes sortes, pour tenter de sauver et réinsérer des filles réduites à l'esclavage sexuel. Pour ce faire, en 1997, Somaly Mam a fondé AFESIP (Agir pour les femmes en situation précaire) et, dans la foulée, a ouvert des centres de réinsertion dans quatre pays d'Asie, afin de permettre aux victimes de se reconstruire pour commencer une nouvelle vie. Dans ces centres, les jeunes filles bénéficient de soins médicaux ainsi que d'une assistance juridique. Elles sont scolarisées et apprennent également un métier. A ce jour, quelque 7000 jeunes filles ont déjà été sauvées «Pour les filles qui vivent des situations semblables à la mienne, le bonheur est tout simplement hors de portée, même lorsqu'elles réussissent à trouver un emploi digne, à se marier, à fonder une famille, écrit-elle. Mais ce qui me donne de l'espoir et de la force, c'est de travailler directement avec elles. Il faut que je voie la réalité en face. J'aime quand les filles me sourient, j'aime les voir à l'école. C'est concret.»

Un témoignage unique

Somaly Mam, une femme de terrain qui abat un travail de titan et qui, bien que le gouvernement cambodgien ait enfin voté une loi pour protéger les victimes et punir les trafiquants, poursuit la lutte qui n'en est qu'à ses débuts. Car à la jeunesse croissante des esclaves sexuelles s'ajoutent aujourd'hui des méthodes de représailles de plus en plus barbares. On ne fait plus que battre les récalcitrantes et leur infliger des brûlures de cigarette: on leur plante carrément des clous dans la tête.Somaly Mam continue donc de témoigner sur la torture dans les bordels et raconte avec émotion la destinée tragique de ces enfants comme Sokhone, vendue à huit ans, morte du sida et de la tuberculose à quinze.Elle sera le 29 mai prochain au Palais de Beaulieu, à Lausanne. Elle y racontera sa bouleversante histoire et son combat quotidien contre ce fléau à l'occasion de la création de la Fondation Solyna dont le but est de sauver les femmes et les enfants de l'esclavage sexuel.

Rencontre avec Somaly Mam, Beaulieu-Lausanne, 29 mai, 18h30. Entrée libre.www.afesiplaos.org et www.fondationsolyna.ch