«Les lourds travaux n’avaient pas encore été annoncés» Andrea Faucherre, cheffe adjointe du Service municipal du logement
Plusieurs experts craignent une hausse générale des loyers en 2024. En cause, la pénurie croissante de logements disponibles, l’inflation vis-à-vis des baux indexés à l’indice des prix à la consommation, ainsi qu’un risque d’élévation du taux hypothécaire de référence. La capitale vaudoise n’échappe pas à cette situation.
C’est dans ce contexte tendu qu’une régie immobilière a débuté, fin novembre, de gros travaux dans un appartement au rez inférieur d’un immeuble cossu, à l’avenue Juste-Olivier. Sur place, les ouvriers expliquaient, début décembre, avoir reçu des consignes de silence sur les rénovations en cours. Tout portait cependant à croire qu’il y avait un lien avec un magasin de vélos électriques adjacent momentanément fermé pour cause d’agrandissement. Quant à la gérance (sise à la place St-François), elle a refusé de répondre à nos questions malgré diverses approches.
Contacté à ce sujet mi-décembre, le Service municipal du logement s’est d’abord montré rassurant, avant de réaliser qu’aucune demande n’avait été déposée. «Nous avons alors envoyé une inspectrice sur place, explique la cheffe adjointe du service Andrea Faucherre. Elle a constaté que les lourds travaux déjà effectués au rez inférieur n’avaient pas été encore annoncés.»
«C’est une aberration»
Convoquée, la régie s’est rendue sur les lieux avec son architecte afin de dresser un topo de son projet dans sa globalité. Elle a dû admettre avoir entrepris des travaux de démolition d’une salle de bains et d’une cuisine sans autorisation de la Commune, dans le but d’affecter ce logement en local commercial pour la boutique voisine. La gérance s’est engagée à soumettre la demande et les plans rapidement au Bureau des permis de construire pour une régularisation. Elle a aussi annoncé au Service communal son intention de compenser la perte d’un logement au rez inférieur avec un changement d’affectation de bureaux dans le même immeuble en appartement locatif. «C’est une aberration, regrette Fabrice Berney, le secrétaire général de la section vaudoise de l’Asloca. Une telle pratique est par ailleurs étroitement encadrée par le droit cantonal, notamment dans la LPPPL (ndlr: loi sur la préservation et la promotion du parc locatif).» L’Association suisse des locataires encourage les autorités à exercer une surveillance des loyers pratiqués et à construire des logements à loyers abordables.
Loi cantonale à respecter
D’après la loi, un propriétaire qui veut changer l’affectation d’un appartement auparavant loué en bureau ou en espace commercial a l’obligation, dans un canton subissant une pénurie de logements, de faire une demande d’autorisation officielle. Il faut également respecter la loi cantonale sur la préservation du parc locatif. Si les rénovations ne nécessitent pas de permis relevant de la Loi sur l’aménagement du territoire et des constructions, le propriétaire ou sa gérance doit tout de même annoncer le changement d’affectation à la commune.
Des outils pour éviter la surchauffe des loyers
Quant au nombre d’autorisations de changement d'affectation globale, le Service lausannois du logement en a accordé 22 en 2021, dont quatre pour supprimer un logement. Et quatre pour transformer en appartement. Le premier semestre 2022 a présenté un ratio semblable, ce qui fait dire à Andrea Faucherre que les suppressions d’habitations à Lausanne sont entièrement compensées par la création de logements. Du moins selon les chiffres officiels et les seuls cas connus des autorités… La Ville dispose d’outils pour éviter une surchauffe des loyers avec par exemple des loyers bloqués de cinq à dix ans afin de préserver le parc locatif, ainsi qu’un droit de préemption pour la création et le maintien de logements à loyers abordables.
Du côté du Canton, la direction du logement annonce avoir délivré 17 autorisations à des demandes de changement d’affectation de logements du 1er janvier 2021 au 30 juin 2022. Deux transformations ont été refusées à la même période.