«Je veux que les conseillers communaux écoutent le cri de souffrance des commerçants»
«La politique lausannoise en matière de transports montre ses limites»
En tant que président, vous allez organiser en avril prochain des rencontres entre les conseillers communaux et des commerçants, restaurateurs, etc. Pourquoi cette démarche?
Nicola Di Giulio: On dit souvent que les villes étouffent sous la pollution. Il arrive aussi qu’elles s’asphyxient économiquement. C’est le cas de Lausanne aujourd’hui, où la politique menée actuellement en matière de transport multimodal montre ses limites. A chacune de mes sorties, je suis systématiquement apostrophé par des commerçants qui veulent m’exprimer leur désarroi et me dire qu’ils vont quitter Lausanne.
N’exagérez-vous pas? Le commerce local est-il vraiment en train de mourir à Lausanne?
Depuis mars-avril 2020 avec le covid, les commerçants et autres restaurateurs sont en souffrance. Et puis voilà qu’en juillet de la même année, en pleine pandémie, on met en place des couloirs à vélos et 7,5 kilomètres de pistes cyclables, en faisant sauter au passage 400 places de parking. Et dans la foulée a été lancée une politique de lutte contre le bruit au travers de la modération du trafic avec la multiplication de zones 20, 30 ou piétonnes. Ajoutez-y deux ponts qui ferment en même temps pour travaux, cela fait tout de même beaucoup en très peu de temps. Finalement, cette politique anti-voitures menée à outrance revient à sacrifier les commerçants sur l’autel de la mobilité douce. Et il n’y a pas que les commerçants. Des personnes handicapées par exemple ont également besoin d’avoir des accès en voiture.
Tout de même, des actions ont eu lieu pour soutenir les commerçants…
Au début, de la pandémie, les premières solutions ont été envisagées avec la société coopérative des commerçants lausannois et les rabais de 10% concédés dans 150 commerces pour amener la clientèle. Ensuite, la Ville a essayé de calmer le jeu en redistribuant 7,8 millions à travers un système de bons d’achats ou la gratuité des terrasses. Mais c’est loin d’être suffisant, car aujourd’hui les commerçants commencent à se rebeller, comme en témoigne la multiplication des pétitions dans plusieurs quartiers.
La Municipalité a organisé de nombreux espaces de concertation. N’est-ce pas suffisant pour devoir y ajouter des rencontres avec les conseillers communaux?
Non, car je souhaite que les conseillers communaux entendent ce cri de souffrance directement de la bouche des commerçants, hôteliers et restaurateurs, ceux qui vivent la réalité sur le terrain, en quelque sorte.
Pourquoi ne pas avoir associé la Municipalité à cette démarche?
Mais c’est bien ce que j’ai souhaité faire! J’ai reçu en retour un courrier m’indiquant que la Municipalité entretenait suffisamment d’échanges réguliers avec les commerçants.
Tout de même, cette démarche, pour un président de conseil communal, dont le rôle est plutôt consensuel, est assez inédite…
C’est vrai, mais j’éprouve une sainte colère et je veux tirer la sonnette d’alarme avant que Lausanne n’ait plus aucun attrait. En tant que premier citoyen de la ville, je me dois aussi de donner la parole à tous ceux qui sont étouffés par l’entonnoir institutionnel et dont la voix n’est pas suffisamment entendue par la majorité.
Ne craignez-vous pas que l’on vous en fasse le reproche en vous accusant de sortir de votre rôle?
Ce n’est pas cela qui compte. Quand on ne fait rien, on vous le reproche, et quand on fait quelque chose, on vous le reproche aussi. Alors je préfère faire et actionner les leviers dont je dispose, pour donner l’alerte et faire avancer les choses. Si on continue comme cela, Lausanne va devenir une ville morte. Du reste, en France un certain nombre de maires reviennent sur la piétonisation à outrance de leur ville pour sauver leur commerce local.
Comment selon vous pérenniser les contacts entre élus et commerçants?
On pourrait créer une chambre lausannoise des commerçants, avec pour membres des commerçants, des hôteliers, des restaurateurs mais aussi des représentants de partis ou d’associations faîtières. Il serait juste que dans la 4e plus grande ville de suisse, ils puissent peser et être entendus dans un cadre organisé.