Les Alémaniques l’appellent Fasnachtsküchli, petit gâteau de Carnaval, et s’en lèchent les babines au creux de l’hiver, et jusqu’à Carnaval. Pourtant, il semble bien que c’est de France que nous vient la Merveille, cette pâtisserie aussi appelée beignet, chez nous beignet au genou. Le mot beignet, bugne en patois romand, ou bigne, soit bosse, décrit bien cette pâtisserie très fine toute bosselée et pourtant si roborative dont l’origine est déjà attestée, sous divers noms, en France au début du XIVe siècle et à Bâle, dans les couches aisées de la population, à l’époque du Carnaval, vers le milieu du XVe siècle, avant que la recette ne s’étende dans toute la Suisse.
Dans son roman épistolaire, «Julie ou la Nouvelle Héloïse, l’hôte de la Cité de Calvin», Jean-Jacques Rousseau qualifie la Merveille de pâtisserie genevoise cuite dans du beurre. Cependant, cette friandise, qui se déguste souvent à l’apéritif avec un verre de vin blanc ou en guise de goûter, est confectionnée avec de la pâte frite dans de l’huile.
En Suisse romande, elle se fabrique non seulement à l’occasion du carnaval, mais aussi, dans certaines régions, en d’autres circonstances. Ainsi, le beignet au genou est l’une des nombreuses friandises gravitant autour de la Bénichon, la fête fribourgeoise célébrée à la fin de l’été. Dans le canton de Vaud, les Merveilles se dégustent notamment aux fêtes de l’Abbaye.
Depuis les années 1950 environ, des versions industrielles, des Fastnachtsküchli plus minces sont produites et distribuées dans les grandes surfaces. Le succès des Merveilles industrielles, produites à moindre coût, a nui aux Merveilles artisanales des boulangers-pâtissiers, qui les ont pour la plupart ôté de leur assortiment. Sauf chez Jean-Marc Ducrot, à Payerne. Ce Broyard tient avec sa femme la boulangerie et tea-room Au Citronnier depuis 26 ans. Il y propose de la petite restauration, des pains, des pâtisseries et des Merveilles durant la période de carnaval. Il en confectionne en moyenne une cinquantaine par jour entre mi-février et mi-mars.