Lausanne Cités: Pouvait-on, à votre sens, s'attendre à ce qu'un événement aussi spectaculaire et violent que celui qui s'est passé à Orbe se produise un jour, ici en Suisse?
Blaise Péquignot: Raisonnablement non. L'attaque d'un pénitencier aux armes de guerre pour faire évader des détenus est un scénario tellement extraordinaire qu'il était difficilement envisageable.
On a pointé du doigt les autorités vaudoises, certains parlant d'amateurisme, voire de laxisme dans la gestion du dossier des prisons. Est-ce juste de prétendre cela?
De tels propos ne sont guère admissibles. Le dossier des prisons a toujours fait l'objet d'un suivi régulier et professionnel. Il est vrai que ce n'est pas un sujet politiquement très populaire. Madame la Conseillère d'Etat Béatrice Métraux, notamment dans son interview parue dans le Matin Dimanche du 4 août dernier, a clairement exprimé les actions entreprises dans ce domaine depuis quelques temps déjà et au demeurant avec l'appui du Grand Conseil. Pour le reste, il n'y a pas de problème spécifique lié aux prisons vaudoises, ni à celles des autres cantons. Le niveau de sécurité est généralement bon. Ainsi, sur ces 8 dernières années, la moyenne des évasions pour les régimes très fermés/établissement ou secteurs fermés et semi-ouverts, a été de 13 par an, chiffre à mettre en relation avec les journées de détention effectuées.
La situation ne peut s'améliorer qu'en trouvant une solution intercantonale, a plaidé la conseillère d'Etat Béatrice Métraux. En quoi pourrait-elle consister?
Comme dans tous les domaines, l'échange d'informations est important. Je ne veux pas dire qu'il n'y en a pas actuellement: chaque détenu a un dossier qui contient passablement de renseignements pour permettre à l'établissement pénitentiaire de bien connaître le prisonnier et de faire une appréciation de sa situation, dossier qui le suit en cas de transfert dans une autre prison, d'où le nom de «dossier itinérant». La Conférence latine a proposé ce système aux deux autres concordats; celui de la Suisse orientale a trouvé «l'idée bonne», celui de la Suisse centrale et du Nord-Ouest l'a considéré comme inutile. L'événement extraordinaire des EPO montre qu'il faut sans cesse améliorer la collecte d'informations pour garantir une juste appréciation du risque que peut présenter un détenu.
Thomas Noll, le nouveau directeur du Centre suisse de formation pour le personnel pénitentiaire, plaide pour la création d'une formation pratique au niveau national pour le personnel pénitentiaire. Est-ce une bonne idée?
Il est vrai que la formation des agents de détention est du ressort principal des cantons, avec l'appui apprécié du CSFPP. D'autres domaines, comme la formation des policiers, laquelle est aussi l'apanage des cantons, passent par un CFC. Toutefois, on ne peut pas forcément lier formation des agents de détention et sécurité des prisons. La sécurité d'une prison, notamment sous l'angle de l'évasion, procède d'un concept institutionnel - dont l'agent de détention fait certes partie - mais qui est propre à chaque établissement en fonction du ou des types de régimes de détention qu'il abrite. Au demeurant, l'évasion survenue aux EPO est totalement étrangère à la problématique du niveau de formation des agents de détention. Ceux-ci font d'ailleurs un excellent travail qu'il convient de souligner.
Dans le fond, ce qu'il propose, c'est tout bonnement de nationaliser la gestion et la formation. Est-ce vraiment compatible avec le fédéralisme?
Le code pénal suisse confie aux cantons l'exécution des peines et des mesures. Une gestion nationale des établissements pénitentiaires se heurterait donc à ce principe, sauf à modifier le droit fédéral. Le parlement fédéral, tout comme le Conseil fédéral, ne semblent pas disposés à s'engager dans cette voie. Il appartient donc aux cantons de mettre en place les structures, tels les concordats, qui leur permettent de réaliser de la meilleure manière les missions qui sont les leurs.
Mme Métraux a par ailleurs estimé nécessaire de régler la problématique du floutage des prisons sur les sites d'images aériennes telles que Google Maps. La mise à disposition du grand public de ce type d’information constitue-t-elle vraiment un danger?
Les zones sensibles, comme les établissements pénitentiaires, devraient en effet être floutées. Sans être forcément déterminants, les éléments pouvant être recueillis par ce biais peuvent néanmoins être utiles pour des actions telles que celle qui s’est produite dernièrement. Toutes les précautions sont donc bonnes à prendre.