«Je suis excédé par les Roms, mais aussi par la Ville», lance d'emblée Laurent*. Ce Lausannois, qui habite à proximité des Prés-de-Vidy, a assisté il y a deux semaines à l'intervention de la police pour déloger les Roms. Au grand soulagement de tout un quartier qui en avait marre des bruits, des vols et des excréments. «La police les a eus à l'usure, les réveillant en milieu de nuit pour les chasser. Ils partaient plus loin, attendant que la police reparte, pour revenir. Après plusieurs jours, ils sont finalement partis, explique Laurent avant de lancer avec une pointe d'ironie: «Mais ne croyez pas pour autant que, comme veulent nous faire croire les autorités politiques, le problème est résolu!»Installés dans un premier temps dans les cabanons des Prés-de-Vidy, les Roms ont été délogés lors de leur destruction en mars dernier. Ils ne sont pas partis pour autant, installant, dès la nuit tombée et jusqu'aux premières lueurs de l'aube, des matelas à même le sol devant des garages ou sous des avant-toits à proximité des maisons du voisinage, à la route de Chavannes.Dénoncés par les riverains excédés et lassés de supporter les déprédations liées à leur venue, les Roms ont été chassés par la police… pour mieux s'installer quelques centaines de mètres plus loin.
Habitants désemparés
Certains dormiraient au Parc Bourget, d'autres ont élu domicile dans le jardin d'une maison occupée par des jeunes en formation, juste à côté des Prés-de-Vidy. «Regardez! lance une voisine excédée. C'est un véritable souk. Et les odeurs sont insupportables». A preuve, une fillette qui, sans façon, fait ses besoins sur la terre. Quelques mètres plus loin, un garçon a installé une échelle entre des matelas, des casseroles sales et des déchets, cueille des cerises.Dans le quartier, on ne sait plus quoi faire. Certains ont fourni de l'eau et des couvertures, d'autres ont fermé les yeux. Si les attitudes divergent, tous subissent une situation dont ils se passeraient bien. «Les Roms ont les nerfs à vif et la cohabitation avec les Lausannois est difficile. On peut les déplacer mais, au final, ils changeront de quartier et ce seront d'autres Lausannois qui devront assumer et subir au quotidien l'extrême misère de ces familles Roms. La Municipalité peut faire autant de répression qu'on veut mais cela ne résoudra pas le problème de fond», assure Laurent. Pour cet anthropologue, la répression n'aura aucun effet: «Ce peuple est habitué au rejet, il a connu les camps de concentration. Chassez les Roms et ils s'installeront plus loin ou ils reviendront quand les choses se seront calmées».
Quelle politique municipale?
Comme Laurent, plusieurs habitants de la route de Chavannes ne comprennent pas l'attitude de la Municipalité. «Quelle est la politique avec les Roms? Les chasser de la commune jusqu'à ce qu'ils s'installent à St-Sulpice ou à Chavannes?», lance ironiquement une voisine. Du côté de la Municipalité lausannoise, la politique se veut claire: «Chaque fois qu'ils prennent leurs quartiers dans un endroit interdit, on les chasse. Les Roms sont tolérés à Lausanne, à condition qu'ils trouvent des solutions légales pour s'installer», lance le syndic Daniel Brélaz, avant de renvoyer au municipal de la police, Marc Vuilleumier.
Crainte de sédentarisation
Les quatre familles installées aux Pré-de-Vidy devaient être expulsée la semaine dernière. Un sursis d'une semaine leur a été accordé. Où iront-ils? La Ville de Lausanne leur propose de se rendre dans les structures d'hébergement d'urgence. Aucun emplacement n'est prévu, à court terme, pour accueillir les Roms. Faudrait-il mettre à disposition des gens du voyage un espace avec un point d'eau et des sanitaires? Le syndic botte en touche: «Nous avons aucune raison de prendre des mesures extraordinaires pour les accueillir. Je doute que les Lausannois acceptent de financer une telle proposition».Marc Vuilleumier craint, lui, qu'une telle mesure n'incite d'autres Roms à venir à Lausanne ou choisissent de s'installer sur le long terme. Laurent n'y croit pas: «Les Roms sont un peuple de nomades. Ils ont choisi un mode de vie précaire et n'ont aucune volonté de sédentarisation. Arrêtons de vivre avec ces clichés!»
* Nom connu de la rédaction