Gagné par la maladie, le Neuchâtelois Yvan Perrin a démissionné de son poste de Conseiller d’Etat: nous lui adressons nos vœux de prompt rétablissement. Voici l’un des plus illustres représentants de l’UDC – le parti du démantèlement de l’Etat social, le parti des gagnants, de ceux qui se construisent seuls, sans aide de l’Etat – contraint d’avoir recours à l’assurance maladie solidaire, éventuellement à l’AI, comme le premier abuseur venu! Le voilà contraint de percevoir, pour un travail non effectué, un salaire payé par la collectivité, comme le premier fonctionnaire-privilégié venu.
Si Yvan Perrin a perdu la partie, la démocratie en ressort-elle grandie? On peut en douter; il s’agit ici de ne pas confondre transparence nécessaire et violation de la sphère privée. Si les électeurs neuchâtelois ont toute légitimité à connaître l’état de santé de celles et ceux qui les gouvernent, l’étalage de la descente aux enfers vécue par Yvan Perrin relève du voyeurisme le plus vulgaire, du goût du sang, d’instincts quasi sadiques dans le plaisir à voir un homme mis à terre. Chacune et chacun a droit au respect de sa sphère privée et au maintien du secret de son état de santé.
Peut-être les travailleurs devraient-ils remercier Perrin: à son corps défendant, celui-ci a mis en lumière la problématique de la maladie psychique, de sa réalité concrète et vécue. Alors que les personnes, nombreuses en Suisse, qui souffrent de ce type de troubles sont toujours suspectées de vouloir abuser du système, Perrin a fait la démonstration implacable de la nécessité de ne pas rejeter, mais de prendre en charge. La souffrance au travail, le stress, le burn-out sont autant de situations taboues et vécues honteusement: merci donc à Perrin d’avoir, en quelque sorte, donné corps et visage à cette dure réalité.