En septembre 2021, devant les appels à l’aide de la population afghane opposée aux Talibans, nous nous demandions s’il fallait «mourir pour Kaboul» comme on était «mort pour Dantzig» en 1939 en déclenchant la Deuxième guerre mondiale. Si bouleversant que soit le sort d’une partie de la population afghane, nous ne sommes pas morts pour Kaboul. Aujourd’hui, faut-il mourir pour Kiev? Devant les appels à l’aide de l’Ukraine, par son chef d’Etat lui-même, donc «officiellement», faudrait-il, au nom d’une solidarité européenne, voire occidentale, car les Etats-Unis seraient partie prenante par l’OTAN, venir en aide militairement à l’Ukraine, au risque de déclencher une guerre mondiale? La réponse est catégoriquement «Non», malgré les souffrances de la population ukrainienne. Quel chef d’Etat responsable voudrait risquer de déclencher les mêmes souffrances – ou peut-être pires encore – pour son peuple au nom de l’aide à un autre?
En prenant des sanctions drastiques contre la Russie, Etat «attaquant», non seulement les pays européens manifestent largement leur soutien au peuple ukrainien, mais ils imposent – peut-être même à long terme – des conséquences économiques lourdes à leur propre population. Et la Suisse? La neutralité exclut toute aide militaire; le problème est plus délicat en matière de sanctions économiques. Une stricte neutralité exigerait une totale abstention, mais alors, au risque de «profiter» du vide laissé par les autres et de compliquer les rapports déjà difficiles avec les Etats européens. La mission du Conseil fédéral est extrêmement délicate et l’on doit regretter qu’on y ait seulement vu, à l’étranger comme ici, un abandon de la neutralité. C’est peut-être aussi une manière de «mourir pour Kiev».