«Les nouveaux aménagements cyclables mettent un peu de temps à trouver leur public»
Florence Germond, municipale en charge des finances et de la mobilité
Après plus d’une année, les pistes cyclables géantes n’ont toujours pas trouvé leur public. Pour s’en convaincre, il suffit de se poster aux abords de l’une d’entre elles. A Mon-Repos, de très longues minutes d’attente sont nécessaires avant de voir arriver le premier cycliste. Dans le même temps, aux heures de pointe, les voitures s’y entassent sur une seule voie. Une hérésie selon Ivan Delay, un habitant du quartier Sous-Gare: «S’il y avait beaucoup de vélos, j’en serais très heureux. Mais jour après jour, on se rend bien compte qu’il n’y a quasiment aucun cycliste sur ces autoroutes à vélos. Il y a donc un gouffre entre les intentions vertes communales et la réalité du terrain où les vélocipèdes brillent par leur absence. Que de place perdue pour les autres usagers de la route et de frais inutiles en peinture et en infrastructures inutilisées.»
Levée de boucliers
Un constat partagé par Michel Curchod, propriétaire de la boutique Le Coup de Chapeau à la place Benjamin-Constant: «Il est évident que de nombreuses pistes cyclables élargies ne sont quasiment pas utilisées par les cyclistes. La place consacrée à ces derniers est clairement disproportionnée, je le dis d’autant plus facilement que je vais régulièrement travailler à vélo depuis bientôt 30 ans.» Avant d’ajouter, excédé: «Associer la création de pistes cyclables à la lutte contre le réchauffement climatique n’est rien d’autre que de l’opportunisme politique. La majorité rose-verte souhaite qu’il y ait des cyclistes partout, mais c’est un vœu pieux. La réalité leur donne tort.» Face à cette levée de boucliers, Florence Germond, municipale en charge des finances et de la mobilité, rappelle que la pratique du vélo est en hausse constante à Lausanne. Elle aurait même augmenté de 84% depuis 2017. Mais quand on lui demande les chiffres de fréquentation de ces pistes cyclables élargies, la réponse se fait évasive: «Nous n’avons pas de compteurs permanents sur les tronçons concernés. Nous avons constaté que les nouveaux aménagements cyclables mettent un peu de temps à trouver leur public.»
Du bruit et de la pollution
Au sein de la section lausannoise de Pro Vélo, on défend la pérennisation de ces nouveaux aménagements. Tout en estimant qu’il faut aller encore plus loin: «La situation n’est pas encore idéale et le potentiel est encore grand pour atteindre les objectifs du plan climat de la Ville de Lausanne, note Luca Meylan, secrétaire général de l’association faîtière de défense des intérêts des cyclistes. Plus de cyclistes, c’est aussi moins de voitures et donc plus de fluidité dans le trafic.» En théorie, car dans la pratique c’est plus compliqué comme le précise Xavier de Haller, vice-président de la section vaudoise de l’Automobile Club de Suisse: «Il apparaît que le taux de report sur le vélo a atteint son maximum, selon nos sources. Parmi les différentes manières de réorganiser la chaussée, la Municipalité a systématiquement opté pour la suppression d’espaces dévolus aux véhicules ou de places de parc. Les habitants doivent donc chercher plus longtemps une place de parc, ce qui génère du bruit et de la pollution.» Et Christophe Andreae, président de la Société de développement des intérêts d’Ouchy (SDIO), de conclure: «C’est la question de la poule et de l’œuf, sans pistes cyclables, pas de cyclistes. Je pense plutôt qu’il faut attendre d’avoir des cyclistes avant de mettre de telles pistes.»