L'arrivée du futur tram sur la place de l'Europe et, corollaire, la disparition de celle-ci suscitent une belle polémique. Est-ce qu'elle vous surprend?
Pas du tout! J'irais même jusqu'à dire... enfin. Enfin un débat, même si les questions fondamentales soulevées à cette occasion ne vont pas toutes dans le même sens et qu'elles arrivent fort tard. Car je tiens à rappeler que bien avant la mise à l'enquête de ce projet, en juin-juillet de l'année dernière, j'avais déjà provoqué le débat par voie d'annonces et à travers de multiples séances publiques ou avec des associations. Que ce soit à l'Hôtel-de-Ville, à l'EPSIC ou encore au Casino de Montbenon. Et en 2007 déjà, le sujet avait déjà largement été évoqué, et relayé par les médias, alors qu'il était discuté par les élus. Puis en 2009 lors de son dépôt à Berne, enfin en 2010 lorsque le Parlement fédéral avait finalement voté son budget.
Mais alors comment expliquez-vous ce «retard à l'allumage»?
C'est souvent le cas lors de projets d'envergure qui sont appelés à modifier la physionomie d'une ville. Les gens réagissent lorsqu'ils prennent vraiment conscience des enjeux, ils se sentent parfois lésés. Ces réactions sont normales et légitimes.
Vous comprenez donc que nombre de Lausannois sont aujourd'hui attachés à cette place et veulent la conserver?
Absolument! N'oubliez pas que c'est moi qui suis à l'origine de la création de la station du m2 à cet endroit, moi encore qui ai accepté de voir pro Vélo s'y installer, moi toujours qui ai autorisé l'ouverture d'un bar sous les Arches du Grand Pont. Peu à peu, cette place s'est affirmée et beaucoup de Lausannois, c'est vrai, se la sont appropriée. J'en suis ravi, même si je dois avouer que je suis un peu surpris par ce succès.
Pourtant les opposants à l'arrivée du tram ont des mots extrêmement durs à votre encontre et à l'encontre du syndic dans la gestion de ce dossier. Ils parlent d'arrogance, de suffisance, voire même de mépris. Ils souffrent tout à la fois d'avoir mal été informés et mis devant le fait accompli. Qu'avez-vous à répondre à ces attaques?
J'en prends acte et je les déplore. Comme je vous l'ai dit, j'ai suscité le débat à de nombreuses reprises. On m'a même parfois reproché d'en faire trop! J'ai mon style, je peux paraître parfois un peu rigide, mais jamais je n'ai fait preuve d'arrogance et encore moins de mépris. J'ai écouté les gens. J'ai rempli mon rôle et je tiens à dire que parmi ceux qui me critiquent avec tant de virulence aujourd'hui, bien peu étaient présents lors des nombreuses rencontres que j'ai organisées.Pour le reste, je regrette les phrases blessantes de Daniel Brélaz sur l'opposant Toto Morand, «décideur autoproclamé de ce qui est bon pour le Flon», comme à mon sujet quand il persifle sur ce qu'il appelle mes «projets successifs». Ces propos ne sont pas acceptables de la part d'un élu. Je le lui ai dit!
Au-delà de la polémique, plusieurs propositions «alternatives» ont vu le jour pour éviter que la place de l'Europe ne disparaisse. Il y a d'abord celle qui consiste à dire qu'il eût été plus judicieux de faire passer le tram par l'axe Chauderon - Bel-Air - St.-François?
J'ai personnellement évoqué cette possibilité lors de la mise en œuvre du projet. Les experts ont été formels: l'axe n'est pas suffisamment grand pour garantir tout à la fois la fluidité des bus et, surtout, le passage sur St.-François. Cela y provoquerait un énorme conflit avec le trafic automobile. À moins... qu'on y construise un tunnel et, à ce sujet, vous savez ce qu'il est advenu de la proposition que j'avais alors formulée!
L'association MyFlon propose quant à elle d'enterrer le terminus du bus alors que l'urbaniste Urs Zuppinger propose de le reculer d'une vingtaine de mètres, ce qui aurait pour effet de laisser la place totalement libre. Qu'en pensez-vous?
Je ne rejette pas ces propositions, même si, en ce qui concerne la première, on peut imaginer qu'elle coûterait fort cher puisqu'il existe déjà une gare enterrée à cet endroit, celle du LEB. Dans tous les cas, j'ai demandé à mes services de les étudier de près et je ferai part de ma position d'ici la fin du mois. Mais je tiens aussi à rappeler que le choix final ne dépend pas de moi. Le Comité de projets (COPROJ) qui doit arbitrer les choix principaux liés aux Axes Forts devra en discuter, puis le tout remontera au canton.
Y a-t-il honnêtement une chance aujourd'hui pour que le projet initial soit modifié?
Je ne peux pas dire aujourd'hui si le projet va évoluer de manière fondamentale. Je rappelle simplement le choix qui a prévalu lors de la mise sur pied des Axes Forts: faire baisser de 50% le trafic automobile au centre-ville et le reporter d'une part sur l'autoroute, d'autre part sur les transports en commun. Quant à la Confédération, elle s'est déjà engagée à prendre en charge les 40% du projet lorsque celui-ci a été déposé. Le seul vrai problème qui subsiste, c'est qu'il avait alors été largement sous estimé et qu'au final, quelle que soit la solution retenue, il va coûter plus cher que prévu!