«Un quart des appartements que nous gérons disposent d’un simple vitrage» Renaud Jaccard, adjoint au chef de service de la gérance de la Ville
Il ne faut pas se fier à son apparente douceur, Maryse* sait faire preuve d’une persévérance à toute épreuve quand elle s’estime injustement lesée. La preuve? Cette locataire d’un petit appartement situé au chemin des Aubépines affronte depuis plus de six ans les lenteurs du Service des gérances de la Ville: «Quand j’ai emménagé dans mon logement, j’ai remarqué qu’il ne disposait pas de double vitrage. Je leur ai immédiatement écrit afin de savoir s’ils pensaient procéder à des rénovations énergétiques en installant des fenêtres dignes de ce nom, mais ils m’ont répondu que ce n’était pas vraiment à l’ordre du jour. Ils ont juste fait venir des menuisiers pour remplacer quelques joints, autant dire que cela revient à mettre un emplâtre sur une jambe de bois!»
Au fil des années, la Lausannoise s’était presque habituée à «chauffer dehors», mais le 20 décembre dernier, lorsque un courrier lui a annoncé une hausse de 40% de ses acomptes de chauffage pour 2023 en raison de la crise énergétique, son sang n’a fait qu’un tour: «En gros, ce sont les locataires qui trinquent parce que la Ville traîne des pieds? C’est juste scandaleux car depuis le printemps dernier on savait que les coûts de l’énergie allaient prendre l’ascenseur, le Service des gérances aurait donc pu anticiper cette inflation en remplaçant les fenêtres de ses bâtiments. Je compte bien m’opposer à cette augmentation et je vais en parler à mes voisins pour qu’ils fassent de même. Je trouve tout de même étonnant que la Municipalité parle tous les jours d’économies d’énergie et qu’elle soit incapable de faire preuve d’exemplarité en la matière. Je me sens délaissée.»
«Les beaux discours… et la réalité»
Selon un document que nous nous sommes procuré, la facture annuelle de chauffage de Maryse* s’élevait à 1236,40 francs en 2022. Elle pourrait passer à 1731 francs en 2023. Une augmentation potentielle de plus de 494 francs qui l’oblige déjà à réduire son confort: «J’ai éteint les radiateurs dans certaines pièces, j’espère que cela limitera un peu la casse. D’autant que ma situation financière est très compliquée en ce moment car je suis à la recherche d’un emploi.»
Gilbert*, un retraité de la fonction publique, habite au chemin d’Entre-Bois dans le quartier de Bellevaux. Lui aussi a vu ses fêtes de fin d’année gâchées par une missive envoyée par le Service des gérances: «En décembre, on m’a annoncé que je devais modifier mes acomptes de chauffage pour l’année à venir alors qu’aucun travaux d’isolation n’ont été faits dans mon appartement depuis des lustres. Il y a de quoi s’agacer de voir que les immeubles gérés par la Ville de Lausanne sont des passoires énergétiques! Mais pour avoir bossé de nombreuses années dans l’administration publique, cela ne m’étonne guère. Il y a d’un côté les beaux discours écologiques et de l’autre, la réalité du terrain. C’est triste à dire, mais c’est malheureusement vrai et la crise énergétique nous le démontre.»
Retard à combler
Du côté du Service des gérances, on tient à préciser que la lettre invitant les locataires à modifier leurs acomptes ne visait qu’à les informer d’une probable hausse de leur facture de chauffage pour l’année en cours. Sur les 4700 missives envoyées, la Ville n’a reçu que très peu de plaintes, comme le précise Renaud Jaccard, adjoint au chef de service de la gérance: «Peu de locataires se sont plaints de se voir proposer une augmentation de leurs charges pour éviter toute mauvaise surprise lors du bouclement du décompte, ils savent que nous n’y pouvons rien. Une lettre qui nous est adressée ne permet malheureusement pas d’exiger une rénovation énergétique de leur logement car nous procédons par ordre de priorité selon différents critères de production de chaleur, de type de construction ou encore de vétusté.»
Tout en concédant que les cas de Maryse* et de Gilbert* ne sont malheureusement pas isolés à Lausanne: «Un quart des appartements que nous gérons disposent d’un simple vitrage, nous avons pris un peu de retard en la matière, mais cette année devrait nous permettre de le combler en partie car une enveloppe de 75 millions de francs est demandée pour la rénovation des bâtiments de la Ville de Lausanne et 130 millions de francs seront investis pour les bâtiments appartenant à la CPCL.»
En attendant que son immeuble bénéficie d’une meilleure isolation, Gilbert* a trouvé une parade provisoire: «J’ai acheté plusieurs couvertures qui me permettent de ne pas avoir trop froid, elles sont efficaces et ne plombent pas ma facture de chauffage.»
*prénom fictif, identité connue de la rédaction