«Le manque de vétérinaires ruraux dégrade la chaîne alimentaire.» Le constat d’une dizaine de professionnels du monde agricole est sans appel. Si aucun d’entre eux n’a souhaité être cité, c’est que le phénomène est impossible à chiffrer.
Mais deux choses sont certaines: le nombre d’étudiants spécialisés dans la médecine des animaux de rente est en chute libre partout en Suisse. Et parallèlement, les résistances aux antibiotiques chez les animaux destinés à la consommation augmente.
Sans prendre de raccourci - car divers paramètres, tels la qualité de l’environnement ou le contact avec des germes, contribuent largement à la santé animale - les diagnostics clandestins, une pratique qui s’opère dans l’obscurité de l’illégalité, ont aussi leur part de responsabilité.
Leurs conséquences sont drastiques, tant sur le bien-être des animaux que sur la santé humaine.
Motifs économiques
Walter Willener, directeur de l’Association des groupements et organisations romands pour l’agriculture (AGORA), pense que les dérapages de certains paysans sont surtout liés à des facteurs économiques.
«J’imagine que les traitements administrés sans consultation ont des motivations financières. Est-ce qu’il y aurait des sources d’approvisionnement parallèles? Trouvent-t-ils des produits à l’étranger? Quoiqu’il en soit, les vétérinaires administrent les traitements aux animaux en dosages limités et il est très difficile de stocker de grandes quantités de médicaments de cette manière.»
Site web à profusion
Comme pressenti par le directeur de l’AGORA, les sources d’approvisionnement clandestines sont nombreuses.
Elles s’appellent www.mybiosource.com, antibioticshop.eklablog.com, ou encore walpharm.com et possèdent des stocks illimités de médicaments disponibles sans ordonnance.
Moyennant quelques centaines de francs, un agriculteur peu scrupuleux peut ainsi se procurer de la somatotropine bovine, une hormone utilisée pour augmenter la production du lait, ainsi que nombre d’antibiotiques destinés à la croissance des porcs et des poules.
Etant le plus souvent basés à l’étranger, ces sites ne subissent évidemment aucun contrôle à l’échelle locale.
Illégalité marginale
Le vétérinaire cantonal, Giovanni Peduto, souligne pour sa part «que les diagnostics posés par les agriculteurs eux-mêmes ne sont pas la règle. Les agriculteurs effectuent des traitements sous la surveillance de leur vétérinaire qui prescrit les médicaments. Le cadre est ainsi fixé et permet de sanctionner les infractions.
L’antibiorésistance et la manière de lutter contre est la question sur laquelle les autorités se penchent. Une stratégie fédérale (lire brève) est d’ailleurs en cours d’élaboration.»